Accident, maladie, amiante, durée du travail, grève, répression, travail de nuit… A lire les vieux articles des frères Bonneff, exhumés par l’Union syndicale Solidaires sur son nouveau site, la Petite Boîte à outils (BAO), les problématiques liées au monde du travail ne semblent guère avoir changé. Lancé mercredi, la BAO est dédiée à la santé et aux conditions de travail des salariés, des sujets souffrant d’une information «faible et éparpillée», selon le syndicat.

Il y a plus de cent ans, les journalistes Léon et Maurice Bonneff avaient, eux, choisi de se consacrer à ces questions. Entre 1907 et 1914, ils publièrent de nombreux papiers sur le sort des travailleurs dans les colonnes de l’Humanité. Papiers que Solidaires a, en grande partie, regroupés, sur son site.

«Hécatombe d’ouvriers»

Exemple, le 19 décembre 1910, en première page du journal fondé par Jean Jaurès. Ce jour-là, les journalistes mettent en lumière le quotidien des employés du Bon Marché, grand magasin parisien. Dès les premières lignes, ils racontent : «On vient de révoquer un employé, un employé modèle: quatorze ans et six mois de service. Quelle faute a-t-il commis? On lui reproche d’avoir écrit un filet dans la Tribune des employés. En réalité, il n’est pas l’auteur de l’article. La copie comparée avec son écriture le démontre. Ça ne fait rien, une chose est incontestable: il est syndiqué. A la caisse, à la porte, le gêneur.»

Un autre article, le 27 avril 1914, s’attaque à un «métier qui tue», celui de la fabrication de la toile et du carton d’amiante. Ils y racontent l’«hécatombe d’ouvriers», qui cherchent à se protéger des poussières d’amiante «en serrant entre leurs dents un mouchoir mouillé». Maigre protection, là où les journalistes réclament une «réglementation spéciale».

«Chichement rétribués»

Un autre papier (date non précisée) intitulé «Il faut limiter la journée de travail!», narre les journées de travail dans les cuisines. Et notamment celles des «plongeurs […], les laveurs de vaisselles, les plus surmenés et les plus chichement rétribués des ouvriers des cuisines. [Ils] commencent les premiers et terminent les derniers. Ils travaillent de 6 heures du matin à 2 heures, s’interrompent jusqu’à 4 heures ou 5 heures et reprennent pour achever à 10h.» Le tout dans des cuisines «mal installées, trop étroites, surchauffées, mal aérées».

Le facteur rural a aussi droit, le 29 août 1910, à leur attention. Ils racontent le quotidien de ce travailleur qui voit «chaque jour augmenter le poids de sa boîte [remplie de courriers et journaux à distribuer, ndlr] et… l’étendue de ses attributions», les tournées de 28 à 32 kilomètres, parfois à bicyclette, «un joli ruban, quand il pleut, qu’il neige ou que le soleil fait flamboyer la route», le tout 365 jours par an.

Fiches pratiques

Autant de sujets qui restent «d’actualité», selon Solidaires, qui propose aussi sur son nouveau site un éclairage sur des histoires et batailles plus contemporaines. Celles, par exemple, de salariés exposés et intoxiqués par des pesticides, en Côtes-d’Armor, dès 2009. Ou encore un webdocumentaire sur l’inspection du travail ou un autre sur le «lean management».

Des fiches pratiques, notamment sur la réforme de la médecine du travail, la déclaration d’un accident du travail ou le droit de retrait et droit d’alerte, sont également disponibles sur le site. D’autres formats devraient être mis en ligne dans les prochains jours, sur l’affaire des suicides à France Télécom, les troubles musculosquelettiques. Mais aussi sur l’amiante et les conditions de travail des salariés de La Poste – qui seront en grève le 8 décembre. Autant de sujets toujours d’actualité, d’un siècle à l’autre.

Article publié le 2 décembre 2016 sur le site de Libération.fr, à retrouver ici